C'est un sujet très délicat que celui du dressage dans l'affaire de la Bête du Gévaudan. Parce que force est de constater chez tous les professionnels canins, qu'ils soient éleveurs, dresseurs, vétérinaires ou comportementalistes, tous sont unanimes sur un point : un animal, à priori un chien, qui attaque l'homme, c'est qu'il y a été conditionné. Je vous l'accorde, c'est dans l'absolu, mais c'est là que ça se complique parce qu'évidemment, tous les théoriciens de la conspiration y trouvent "la" preuve irréfutable de l'implication humaine, et ils n'ont pas tort.
Mais, parce que vous pensez bien que je vais en placer un, il n'est pas obligatoire que l'action humaine ait perduré en dehors du
dressage.
Bon je vous le dit tout de suite, je me fais aider. ;-)
Déjà consulté pour (feu) mon CD-ROM sur l'affaire, je suis resté en contact avec Daniel Jumentier, dresseur professionnel, premier éleveur de bergers Blancs en France. Un CV qui en ferait pâlir plus d'un et en plus, c'est un type sympa ! ;-) Je lui ai posé quelques questions relatives au sujet que je vais développer ci-après. Je vous laisse lire et je vous récupère plus bas.
Conditionnement
Dressage
Les chiens de guerreOn dit qu'un animal qui attaque des cibles précises ne peut le faire que parce qu'il y a été conditionné. Quel est ton avis ?
- Suite à un conditionnement le chien (si c’est un chien) réagit selon ce qu’il a apprit (avec un dresseur mais aussi de lui même)
par exemple si ce sont des drôles qui ont été utilisés pour persécuté l’animal ils deviendront ses proies de prédilection. Donc si
les attaques sont ciblé au moins pour le début c’est suite au conditionnement.
Vingt pourcent des victimes de la Bête furent des hommes. Si il y a eu dressage, doit-on présumer que la cible était "les êtres humains
quels qu'ils soient" ?
- Pour moi l’animal a appris sur le terrain. Par son conditionnement, il va en priorité sur les femmes et les enfants, mais
l’homme ne l’inquiète pas vraiment : c’est un rival qu’il estime à son niveau. Il défend la proie que l’homme veut lui reprendre
et va jusqu'à passer à l’attaque ; il cède devant le nombre mais pas devant l’homme en lui-même."
Un chien dressé à attaquer l'humain, s'il se retrouve sans maître ni toit du jour au lendemain, que fait-il pour se nourrir ?
- Une bête conditionnée à haïr l’homme et à l’attaquer (on ne parle pas de dressage ici) se rapprochera des habitations ou des
troupeau ensuite, bien sûr, face à un enfant, sa haine prendra le dessus et une fois sa victime morte si elle a faim…"
On dit qu'un chien peut faire des centaines de kilomètres pour retrouver son maître. Quel est ton avis ?
- Aujourd’hui je n’y crois pas. Il y a eu des cas mais c’est très rare. Mais du temps de la bête, les choses étaient différentes
(pas de voitures ni d’avions) si la bête a été déplacée c’est à pied ou en charrette : elle saura faire la route inverse."
Si un chien le fait effectivement, mais que lorsqu'il arrive son maître est mort (ou parti, ou ...peu importe) que fait
l'animal ?
- Livré à lui même le chien suivra ses instincts (bon ou mauvais)."

De nos jours, comment fait-on pour dresser les chiens d'attaque ?
- Les chiens sont dressés sur leur instincts naturels par exemple (mais c’est très résumé) pour le mordant, on se sert de
l’instinct de proie. On agite et fait courir un chiffon de toile devant le chiot. Celui-ci attrape le chiffon, mord, gronde et
tire à lui le chiffon. Le maître lâche le chiffon et le chiot part avec sa proie, tout fier de sa réussite. Petit à petit, on
rendra la lutte plus difficile, puis c’est l’homme d’attaque qui tiendra le chiffon, qui sera remplacé par le boudin puis la
manchette, ensuite ce sera le costume etc...
Y a-t-il "une seule méthode", ou est-ce au feeling du dresseur ?
- Les mauvais dresseurs montent les chiens en agressivité un peu comme pour la bête. On rend l’animal agressif (par mauvais
traitement souvent) à 95 % ça ne marche pas : l’animal est incapable de faire un travail sérieux, il est toujours entre attaque
et fuite et la plupart du temps il préfère la fuite à l’affrontement. Mais c’est vrai, certains chiens passent le cap et leur
crainte les pousse à attaquer n’importe qui, n’importe où."
À quel âge un chien doit commencer le dressage pour que le résultat soit sûr ?
- L'éducation de mes chiens de patrouille commence vers 4 mois et c'est toujours par le jeu et le renforcement positif, ce qui
n'a rien à voir avec un conditionement sur l'agressivité en réponse à de mauvais traitements, qui peut se faire jeune, mais qui
demande au chien plus de maturité."
De nos jours, peut-on voir sur un chiot des aptitudes futures à bien apprendre ?
- Je teste mes chiots à 6 semaine, instinct de proie, résistance au stress : on voit tout de suite les chiots qui deviendront
des chiens apte au travail et ceux qui seront des chiens de famille. Je fourni la police mais aussi les écoles de chiens guides
pour aveugle, je n’ai pas le droit à l’erreur."
Y a-t-il des chiens plus aptes à être dressés ?
- Aujourd'hui les chiens les plus faciles à dresser sont les bergers Allemand, Français, Belges etc.
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On dit que les chiens de guerre n'existaient plus en 1764. Info ou intox ?
- Certains spécialistes affirment que les chiens de guerre n’existaient plus à l’époque de la bête. Rien n'est moins vrai : si les
molosses de guerre n’avaient plus d’intérêt pour les charges, pour briser l’avance de l’ennemie - celui ci étant à pieds ou à
cheval - . L’arrivée de la poudre changera l’utilisation des chiens. Ainsi, les armées adoptèrent les rangs de fusiliers à la
place des unités lourdes lansquenets, piquiers ect…. Les Turks et leurs auxiliaires Slaves au XVII et au XVIII siècle, lors
des affrontements Russo-Turks utilisent les chiens de guerre. En 1778 les chiens Turks mettent en fuite une patrouille
autrichienne au cours du siège de Dubnitza. La France rencontre de nouveaux chiens lors de la guerre de succession d’Autriche
1740-1748, Louis XV (donc contemporain de la bête) fait face aux Anglais du Duc de Cumberland. Anglais et Ecossais progressent en
colonne accompagnés de dogues. 1798-1799 Bonaparte utilise des chiens lors de sa campagne d’Égypte.

Second Empire la France s’engage au Mexique au cours de cette période les molosses sont utilisés pour contré la guérilla en 1861 par les soldats du colonel DUPIN ainsi que par la compagnie franche de ZACATECAS. Les journaux de l’époque condamne l’utilisation des dogues de Bordeaux qui se taillent très vite une réputation de mangeur d’hommes. Les colonies Ibériques utilisent toujours les dogue de Cuba en 1769 les soldats utilisent ces chiens pour contrer les natifs. Lors de la guerre de sécession 1861-1865, les molosses reprennent les charges, des illustrations montrent ces chiens (semblables à ceux des conquistadors) lors d’affrontement sudistes/nordistes. Charles X en 1830 utilise les chiens de guerre notamment contre ABD EL KADER. Pour finir un cas bien de chez nous : en 1155 une garde canine est créée à saint Malo, constituée de 24 dogues Anglais lâchés en liberté la nuit, cette institution se perpétue jusqu’à la fin du XVIII siècle.

Mais si les historiens font souvent référence aux chiens utilisés pour la guerre, on ne trouve aucun document sur leur dressage.
Cependant Alfred Edmund BREHM (1829 - 1884), naturaliste allemand, donne d'affreux détails sur la façon dont on s'y prenait à Cuba
pour dresser les molosses à courir après les esclaves en fuite :
"On confinait ces animaux dans un chenil grillé comme une cage. Jeunes, on les nourrissait du sang d'autres animaux, mais en petite
quantité. Quand ils commençaient à grandir, on leur montrait de temps en temps, au-dessus de la cage, la figure d'un indien ou
d'un nègre, tressée en bambou. Le mannequin était bourré à l'intérieur de sang et d'entrailles. Les chiens s'irritaient contre
les barrières qui les retenaient en captivité, et à mesure que s'accroissait leur impatience, on rapprochait de plus en plus des
barreaux de leur prison l'effigie du nègre. Cependant leur nourriture subissait de jour en jour une réduction. Enfin, on leur
jetait le mannequin, et tandis qu'ils dévoraient avec une voracité extrême, cherchant à tirer les intestins, leurs maîtres les
encourageaient avec des caresses. De cette manière, leur animosité à la vue des noirs se développait en proportion de leur
attachement pour les blancs. Quand on jugeait cette éducation complète, on les envoyait traquer les esclaves en fuite. Ces limiers
retournaient ensuite au chenil, les mâchoires hideusement barbouillées par le sang."

Toujours là ? Parce qu'on a pas encore parlé de la Bête, enfin pas vraiment.
On va résumer un peu avec ces éléments qui me semblent importants (mais si d'autres vous paraissent meilleurs à considérer, c'est
ici) :
- Un animal conditionné à attaquer l'homme va d'abord assouvir son "réflexe de Pavlov" avant de se nourrir.
- Un animal conditionné et se retrouvant sans maître va faire ce pourquoi il a été conditionné.
- Un animal éloigné de son maître peut chercher à le retrouver (facilités au XVIIIème siècle pour des raisons de voierie dues
à l'époque).
- les chiens de guerre, s'ils n'étaient plus utilisés dans les premières lignes suite à l'évolution des armes à feu, n'en
faisaient pas moins partie des armées Européennes jusqu'à largement après l'affaire de la Bête, c'est en tout cas mon avis au
regard de cette photo :

Je tiens même à ajouter un fait divers (qui reste à vérifier auprès d'un historien de la guerre) : Frédéric le Grand,
roi de Prusse, aurait utilisé les chiens au transport du courrier pendant la guerre de Sept Ans, qui s'est finie, je vous le
rappelle, en 1763. ;-)
Et cette info intéressante que j'ai eue "off record" : un animal peut être dressé (ou conditionné) à attaquer pendant "X" mois,
puis se sauver (ou être relâché) : même sans plus aucun contact avec son maître, il va systématiquement mais pas uniquement
attaquer l'homme.
Avec ces cinq éléments, vous pouvez tirer assez de plans sur la comète, mon avis serait superflu ici, puisqu'il est là.